Bien que cette région ait une identité forte et bien établie, il est toujours difficile de cerner ses contours. Souvent désignée comme étant le "contrefort sud-est" du Massif Central, la région des Cévennes est en fait une partie intégrante de ce dernier. On peut donc la situer entre la vallée du Rhône à l'est, la plaine du Gard au sud, les Grands Causses à l'ouest et le Velay-Vivarais au nord. C'est en fait un vaste massif de moyenne montagne orienté SO-NE avec un relief très prononcé composé de vallées profondes et de sommets bien marqués. Lorsqu'on l'aborde par le sud-est, le massif des Cévennes a un aspect abrupt qui contraste fortement avec les plaines qui s'étendent à ses pieds. Cette impression est d'autant plus renforcée par le fort dénivellé qui existe entre la vallée du Rhône (150 m d'altitude) et les sommets du massif (1699 m d'altitude au Mont Lozère, son point culminant). C'est une région rude aux contrastes climatiques très forts engendrant une météo parfois hostile en automne (fortes pluies) et en hiver (basses températures et chutes de neige). On trouve ainsi un climat méditerranéen dans ses parties sud et sud-est, un climat montagnard sur ses sommets et un climat continental sur ses hauts plateaux. Par conséquent, le réseau hydrographique des Cévennes est très dense, d'où le surnom de "château d'eau" qui a été associé au massif.
En raison de ces particularités, les hommes ont toujours eu du mal à pénétrer et à s'installer dans ces montagnes. Les fortes pentes couvertes de forêts de feuillus ou de résineux ont été défrichées à proximité des villages et aménagées en terrasses (dites faïsses) sur lesquelles l'on a fait pousser du seigle, des pommes de terre et parfois de la vigne quand l'exposition le permettait. L'élevage d'ovins et de caprins s'est concentré sur les sommets et les hauts-plateaux. Mais la culture la plus célèbre des Cévennes reste celle de la châtaigne. En effet, le châtaignier se plaît sur les sols acides de la région et son fruit, consommé cuit ou réduit en farine, a permis aux cévenols de survivre aux famines jusqu'à la fin du XIXème siècle. Aujourd'hui, l'exode rural a fortement dépeuplé le massif, entraînant souvent l'abandon des cultures. C'est le tourisme qui constitue actuellement la principale source de revenus de la région, notamment depuis la création du Parc Naturel National des Cévennes en 1969.
Le sous-sol des Cévennes est extrêmement varié et complexe. Il est cependant possible d'y distinguer trois grand ensembles:
Le métamorphisme anté-hercynien:
Les Cévennes centrales, entre Lozère et Aigoual, Causses et bassin houiller, sont constituées par une série de micaschistes métamorphiques gris ou verdâtres, épaisse de plusieurs kilomètres et d'apparence très monotone. On y distingue toutefois quatre ensembles lithologiques et divers niveaux repères dont plusieurs d'origine volcano-sédimentaire. Des amandes de taille variable de quartz blanc sont souvent abondantes. Ces roches datent du début de l'ère primaire: Cambrien et Ordovicien, de 550 à 450 M.A.
Ce métamorphisme régional, relativement faible, diminue d'intensité vers le sud-ouest. Près du Vigan, cette formation semble recouvrir un ensemble de calcaires et de schistes non métamorphiques correspondant au début de la période.
Un granite alcalin transformé en gneiss (feuilleté) affleure à la base de la série en amont de Saint-Jean-du-Gard et à sa partie supérieure entre la Grand-Combe et Les Vans, sans que les relations entre les deux zones soient connues. C'est une roche claire, riche en petits «yeux» de quartz et de feldspath, et parfois à grain très fin.
Les massifs granitiques hercyniens:
Deux massifs de granite intrusif (Lozère-Borne au nord et Aigoual-Liron au sud) sont montés à travers les schistes cristallins il y a environ 330 M.A. Leur partie supérieure est souvent transformée en arène (sable), parfois sur plusieurs dizaines de mètres. Ils constituent les plus hauts sommets et sont reliés par un faisceau de filons de microgranite.
Le faciès à gros cristaux de feldspath orthose (2-12 cm), dits «dents de cheval», se détachant sur un fond de quartz et de mica noir, domine largement. Celui des sommets du Lozère et du Bougès a des grains de taille régulière avec un peu de mica blanc. Les deux contiennent des enclaves de micaschiste ou de diorite (roche cristalline noire).
Le contact granite-micaschiste est franc au niveau de l'échantillon mais très complexe à l'échelle régionale. De nombreux filons de microgranite et de roches voisines pénètrent parfois loin en suivant des failles ou en écartant les bancs de micaschiste. Le métamorphisme de contact s'accompagne souvent d'une auréole de filons de quartz et de barytine contenant des sulfures de plomb, zinc, argent, antimoine… (Cf. Partie Minéralogie)
La série sédimentaire du Stéphanien au Tertiaire (Causses et bordure sud-est)
Plus de 1500 mètres de schistes, grès et conglomérats lacustres se sont accumulés dans le bassin carbonifère d'Alès, avec de nombreuses empreintes végétales et une centaine de couches de houille.
L'arrivée de la mer secondaire est marquée par des grès à éléments granitiques qui remplissent les anciennes vallées. Elle est datée du Trias moyen (235 M.A.) près d'Anduze mais n'atteint Florac que 30 millions d'années plus tard. Au dessus, des marnes pouvant contenir du gypse cèdent ensuite la place à des calcaires dolomitiques. Ces premiers niveaux sont riches en empreintes de reptiles, de dinosauriens en particulier (Saint-Laurent-de-Trèves). Le reste du Jurassique est constitué par plusieurs centaines de mètres de calcaires parfois dolomitiques encadrant d'épais épisodes marneux réputés pour leur faune d'ammonites transformées en pyrite (sulfure de fer).
Bien développé dans la zone des garrigues mais inconnu sur les Causses, le Crétacé inférieur (environ 135 à 95 M.A.) a disparu du versant méditerranéen par suite de l'érosion et aucun niveau plus récent (Crétacé supérieur ou Tertiaire) ne s'est déposé sur la lèvre nord-ouest de la faille des Cévennes.
Il n'est pas possible de parler de la minéralogie française sans citer les Cévennes. En effet, cette région a été le plus important centre d'extraction de minéraux en France, lui permettant ainsi de jouer un rôle extrêmement important dans l'économie du pays, du XIXème jusqu'au milieu du XXème siècle. A l'époque, la région a fourni de grandes quantités de plomb et de zinc qui étaient très demandés par l'industrie, notamment durant la première guerre mondiale.
Ces ressources minières se concentrent principalement sur trois districts différents détaillés dans le chapitre "minéralisations de basse température". En réalité, il est difficile de classer les gisement cévenols car la plupart sont issus d'une première phase minéralisatrice tardi-hercynienne de moyenne température (Stéphanien/Permien) parfois complétée par une seconde phase minéralisatrice de basse température (Trias/Lias inférieur).
1) Les minéralisations de haute température
Ce type de minéralisation habituellement associé aux intrusions granitiques est peu fréquent dans le sous-sol schisteux des Cévennes. Quelques petits gisements de haute température se trouvent pourtant en périphérie des granites cévenols, dans les schistes ou les calcaires cambriens. Ainsi, des petits filons de quartz disséminés dans les micaschistes ou certaines pegmatites contiennent parfois de la magnétite, de l'ilménite et des zircons accompagnés parfois d'or natif. Mais les plus importantes concentrations de minéraux associés à ces minéralisations se rencontrent dans des placers alluvionnaires (Cf. Orpaillage) suite à l'érosion du socle.
2) Les minéralisations de moyenne et basse température
A- les minéralisations stratiformes et filoniennes du Mont Lozère
Ces gisements se trouvent dans le socle cristallin du Mont Lozère et dans les couches calcaires qui recouvrent ses pentes. La formation des minéralisations encaissées dans les sédiments est typique des gîtes stratiformes: des fluides hydrothermaux issus du socle granitique sous-jacent ont diffusé dans les sédiments marno-calcaires qui l'ont recouvert au Trias et au Lias. Comme la plupart des gisements cévenols, ceux du Mont Lozère sont composés principalement de barytine, de galène et de sphalérite qui se trouvent ici dans les fissures et les cavités des sédiments. Ces gisements lozérois, bien qu'étant de taille plus réduite que ceux du Gard, ont été intensément exploités au début du XXème siècle. La particularité des mines du Mont Lozère tient au fait qu'elle sont parfois connectées à des cavités karstiques naturelles que l'homme a utilisé pour accèder plus facilement au minerai. C'est notamment le cas de la mine de Malaval à laquelle on accèdait par l'intermédiaire d'un aven creusé par l'eau dans les calcaires hettangiens et sinémuriens.
A1- La mine du Mazel au Bleymard
Le village du Bleymard se trouve sur le versant sud de la montagne du Goulet qui fait face au Mont Lozère. C'est au sud de ce village que se trouve l'un des plus important gisement minier de Lozère. Celui-ci est sans doute connu depuis très lontemps puisque des travaux gallo-romains pour le plomb argentifère ont été attestés par des vestiges de galeries et d'objets retrouvés en cours d'exploitation. Après une longue période de sommeil, des recherches furent executées sur le site dans les dernières années du 19ème siècle. Suite à cette prospection, la concession fut cédée en 1903 à la S.A. des Mines du Bleymard qui réalisa de nombreux travaux pour l'extraction du plomb et surtout du zinc jusqu'en 1931. Le gisement fut ensuite repris temporairement vers 1937 puis de 1943 à 1953 par la société belge de "La Vieille Montagne". Au total, la production moderne s'est composée de 45.000 tonnes de zinc et de 20.000 tonnes de plomb. Après la fermeture définitive du site, le bâtiment des fours fut transformé en étable, les bureaux ont été réaménagés en centre d'information du Parc National des Cévennes et le bloc des logements d'ouvriers a pu être converti en gîte de randonnée.
Le gisement du Bleymard est typique des gisements stratiformes cévenols. Le minerai, disséminé dans les fissures et cavités des dolomies hettangiennes, est composé de sulfures (sphalérite, galène, chalcopyrite, pyrite et marcassite) inclus dans une gangue de barytine et de quartz. Les parties supérieures ("chapeaux") du gisement sont fortement altérées et riches en minéraux secondaires: anglésite, smithsonite, hémimorphite... Le gisement se compose en réalité de deux panneaux minéralisés (Le Mazel et Neyrac) séparés par un petit graben. Durant l'exploitation, ils comportaient chacun leur propre réseau de galeries et étaient reliés par un long travers-banc de 1300 mètres.
Ce site ayant peu d'intérêt minéralogique, il est longtemps tombé dans l'oubli... Mais, récemment, un club spéléologique lyonnais a pu y accèder ce qui lui a permis d'établir l'état des lieux du réseau et de commencer à l'équiper pour en permettre l'accès à des spéléologues chevronnés.
A2- Les mines du Col de Montmirat
Le col de Montmirat se trouve au sud-ouest du Mont Lozère. Ce secteur regroupe de nombreux gisements qui ont parfois été exploités. Il s'agit pour la plupart de filons de 1 à 4 m de puissance, encaissés dans les micaschistes cévenols (riches en cordiérite), qui sont sillonnés de nombreux filons de rhyolites contemporains de l'intrusion du granite du Mont Lozère. Il semble d'ailleurs que ces filons rhyolitiques aient joué le rôle de pièges pour les minéralisations en guidant les fluides hydrothermaux car elles se concentrent au toit et dans les fissures de ces filons.
Le plus célèbre filon de ce secteur est sans doute celui dit "du Buisson". Dans ce gisement, la minéralisation (caractéristique d'un hydrothermalisme de moyenne température) s'est accumulée sur 2 à 3 m de puissance au toit d'un filon rhyolitique d'orientation N35°E. Elle est composée de marcassite et de quartz massifs dans lequel sont inclus des sulfures (galène, sphalérite, chalcopyrite, pyrite, tetraédrite, bournonite...). Un ultime épisode minéralisateur de basse température a déposé un peu de barytine, sans doute au Lias inférieur. Ce gisement a connu une exploitation minière assez chaotique: les premiers travaux datent du 18ème siècle mais la première concession fut demandée en 1862. Par la suite, plusieurs propriétaires se succédèrent sans grand succès de 1872 à 1880. La dernière tentative de reprise fut effectuée entre 1906 et 1909 par la French Mineral Compagny Limited, une société franco-anglaise. Les travaux sur ce filon restèrent assez sommaires: trois travers-bancs superposés furent creusés pour accèder à la principale zone minéralisée. Le plus long (175 m) avait été prolongé afin de rechercher une hypothétique deuxième zone minéralisée au contact socle-sédiments qui ne fut jamais trouvée. Le minerai était traité sur place dans une usine installée au bord de la route (on en voit encore la cheminée actuellement).
En minéralogie, ce gisement a d'abord été connu pour ses gros et esthetiques cristaux cubiques de galène. Plus récemment, la mine du Buisson a connu une nouvelle célébrité ephémère lorsqu'une équipe de prospecteurs en a extrait quelques jolies pièces de barytine "miel" en "pompons". Mais cette découverte restera sans doute isolée car les zones les plus accessibles du filon ont déjà été travaillées et la dureté de la gangue empêche la poursuite de travaux avec un outillage léger.
B- les minéralisations filoniennes de la faille de Villefort
La faille de Villefort est une très grande faille cisaillante d'orientation N-S qui s'étend sur 200 km en plein milieu des Cévennes. Comme le fameux Sillon Houiller auvergnat, elle tire sans doute son origine des mouvements extensifs tardi-hercyniens. Elle comprend de nombreux diverticules (NO-SE côté ouest et SO-NE côté est) qui sont connectés à elle en "arêtes de poisson". Compte-tenu de son orientation, il semble que cette zone de faiblesse, reliée à la faille des Cévennes, a rejoué facilement au Trias et au Lias, durant la création de l'océan Tethysien. L'ouverture des failles à cette époque et leur recouvrement par une mer peu profonde ont permis leur minéralisation par des circulations de fluides hydrothermaux. Mais, contrairement aux minéralisations du Sillon Houiller qui sont souvent riches en fluorine, celles de la faille de Villefort contiennent principalement de la barytine, de la galène et de la sphalérite. La fluorite est assez rare, surtout au sud de Villefort. Les filons qui s'égrennent le long de la faille de Villefort sont quasiment les seuls des Cévennes a ne pas être recouverts par des sédiments jurassiques car ils ont été mis à jour par l'érosion de l'ère Tertiaire. Facilement accessibles, ils ont sans doute été parmis les premiers à être exploités dans les Cévennes, probablement dès l'époque gallo-romaine. Les exemples qui suivent sont assez représentatifs des minéralisations associées à cette faille:
B1- La mine de Saint-Laurent-les-Bains
Ce gisement est le seul des Cévennes a avoir été exploité exclusivement pour la fluorine. Il s'agit d'un filon d'orientation Nord-Sud encaissé dans des gneiss. Cette structure présente la particularité d'être traversée par une source hydrothermale fonctionnant toujours (T=53°C, pH=7,3). Ces paramètres indiquent qu'il s'agit d'un système en "fin de vie" puisque la température de l'eau est aujourd'hui devenue trop basse pour permettre le dépôt de minéraux dans le filon. Mais cette eau est utilisée dans les thermes de St Laurent pour le traitement des rhumatismes notamment grâce à son fort taux de fluor (9 mg/L). Le remplissage du filon est proche de celui des filons de fluorine de Haute-Loire:
1. Quartz blanc massif sur les épontes (Permien / Trias inférieur)
2. Phase majeure à fluorine violette et/ou verte massive ou mamelonnée avec quartz (Trias supérieur / Lias inférieur)
3. Phase mineure (rarement observée) à fluorine bleue ou jaune massive (Lias supérieur / Dogger inférieur)
La phase 2 est de loin le plus conséquente et a motivé la mise en exploitation de ce gisement, la phase 3 étant très minoritaire voire absente par endroits. La mine commença son activité en 1925, lorsque la fluorine devint une substance rentable à extraire. Après une interruption de 1930 à 1947, la Société Française de Spath-Fluor repris la concession jusqu'en 1968. Au total, près de 70.000 tonnes de minerai furent extraites grâce à un puits de 110 mètres desservant deux niveaux de galeries. En juin 1968, alors que la mine était en pleine activité, un tir de mine perça la veine d'eau thermale qui circulait encore dans le filon. Pour éviter que cette brèche ne fasse tarir la source alimentant les thermes en contrebas, un bouchon de béton fut construit dans la galerie pour colmater la fuite. Cet incident marqua la fin de l'exploitation, l'activité thermale du village étant plus rentable que celle de la mine.
Ce gisement est connu des minéralogistes pour avoir donné des cristallisations originales de fluorine. La fluorine violette ou verte mamelonnée sur quartz blanc est particulièrement réputée.
B2- Les mines de Villefort et Vialas
Ce secteur constitue le plus ancien district minier des Cévennes et il fut très important à la fin du XIXème siècle au point de concurrencer puis de dépasser le district minier de Pontgibaud. Cette réussite repose sur l'abondance des filons à barytine, galène et sphalérite dans ce secteur: plus de 20 filons différents y sont connus, 14 ayant fait l'objet d'exploitations souterraines de 1768 à 1894. Il s'agit de filons hydrothermaux de moyenne température (Stéphanien/Permien) encaissés dans des micaschistes et contenant des sulfures de plomb, de zinc et de fer inclus dans une gangue de quartz. Comme à Pontgibaud, plusieurs de ces filons on subi une nouvelle minéralisation de basse température (sulfures + barytine) au Lias.
Certains travaux sont attribués aux Romains mais ils sont plus vraisemblablement médiévaux. A Vialas, dans le filon «des Anciens» ont été retrouvés quelques outils de fer complètement oxydés ainsi que les traces d'une exploitation par le feu très ancienne dont on ne peut préciser l'âge. On pense également que ces richesses minérales régionales furent exploitées au XIIe siècle. Une exploitation aurait repris à Villefort sous Louis XIV et se serait poursuivie de façon plus moderne de 1768 à 1774. A cette époque, le minerai de Peyrelade (près des Balmelles) était transporté, à dos de mulets, à la fonderie de Rochemaure au bord du Rhône. Vers 1778, à proximité du filon cuivreux du Fraissinet, se construisit une fonderie située à proximité de La Palhères, dont elle utilisait l'eau; elle employait deux cents personnes. La production annuelle atteignit le chiffre de 500 kg d'argent et de 120 000 kg de plomb marchand (filons exploités: Mazimbert, Peyrelade, Bayard).
En 1781, Jean Vidal fut à l'origine de la redécouverte du gisement de Vialas (ravin de La Picardière). Le minerai de Vialas, au début, était traité à Villefort mais cette exploitation fut peu à peu délaissée jusqu'en 1824. Vialas fournissant alors presque tout le minerai, la fonderie y est transférée. Le minerai était extrait de trois petites mines près du Pont-de-la-Planche : La Picardière, Le Colombert, Le Bos-Viel. Vialas connaît un essor considérable sous l'impulsion de l'ingénieur Rivot. En 1862, la fonderie de Vialas produit 352 360 kg de plomb et 1930 kg d'argent. L'argent produit était envoyé à la Monnaie de Paris et transformé en écus de 5 F à l'effigie de Napoléon III. Mais on néglige la prospection et Vialas décline lentement devant l'épuisement de ses réserves. Du coup, J.B. Dumas, président de la Compagnie des Mines de Villefort, Vialas, Le Rouvergue et Comberebonde, vend la concession à la Compagnie de Mokta-el Hadid en 1883.
Vers 1886, Villefort reprend le pas sur Vialas. Mais, en 1890, la production n'est que le quart de celle de 1862 et il n'y a plus que 114 ouvriers. Les mines périclitent alors rapidement et l'activité principale s'arrête en 1894. Le décret acceptant la renonciation par Mokta-el Hadid à la partie de la concession située dans le district de Vialas est signé en 1909 même si des reconnaissances se poursuivent quelques temps dans le secteur des Balmelles. En 1917, Mokta renonce définitivement à sa concession et la vend à M. Jousten en 1918.
B3- Les mines de Sainte-Marguerite-Lafigère
Ce gisement se trouve à l'est de Villefort, sur les rives escarpées du Chassezac. Cette rivière cévenole scinde d'ailleurs le district en deux sites distincts: la mine des Essarts est en rive droite, côté Gard, et la mine de la Rouvière est en rive gauche, côté Ardèche. Ces deux sites ont exploité en fait un seul et même filon orienté Nord-Sud, encaissé dans les schistes à séricite au sud et dans un granite porphyroïde au nord. Ce filon à pendage subvertical possède une puissance moyenne de ~0,5 m, avec des passées jusqu'à 2 m. Son remplissage se compose de quartz et de barytine en association avec des sulfures: galène, sphalérite, pyrite, etc... Ces différents sulfures ont souvent été alterés et convertis en plusieurs minéraux secondaires (pyromorphite, cerusite, hémimorphite, smithsonite...) particulièrement abondants dans ces filons. Méconnu des minéralogistes pendant plusieurs années car pauvre en grands cristaux, ce gisement avait peu à peu acquis une grande renommée. En effet, sa minéralogie est extrêmement riche: Acanthite, Anglesite, Argent natif, Aurichalcite, Baryte, Calcite, Cerusite, Chalcopyrite, Galène, Goethite, Gypse, Fluorite, Hemimorphite, Linarite, Malachite, Mimetite, Proustite, Pyromorphite, Quartz, Rosasite, Smithsonite, Sphalerite, Soufre, Wulfenite...
Ce gisement fut exploité de 1887 à 1931 par différentes filiales de la Société Metallurgique et Minière des Cévennes, pour l'extraction du plomb. La dernière entreprise à reprendre la concession de 1943 à 1945 fut la société Pennaroya, intégrée aujourd'hui au groupe Metaleurop. Les travaux miniers, qui totalisent 3140 m de développement, se composent de plusieurs galeries en direction superposées et reliées par de nombreux puits verticaux. Longtemps laissés à l'abandon car difficilement accessibles, les deux sites ont fait l'objet d'une procédure de mise en sécurité au printemps 2009 suite à l'accident mortel survenu en juillet 2007.
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C- les minéralisations stratiformes de la faille des Cévennes
La faille des Cévennes est une grande faille normale d'orientation SO-NE qui s'étend de Aubenas en Ardèche jusqu'à Lodève dans l'Hérault. Comme celle de Villefort à laquelle elle est reliée, cette faille a probablement été créée à la fin de l'orogenèse Hercynienne. Souvent représentée comme une faille unique, elle est composée en réalité de plusieurs failles parallèles qui découpent la bordure Est des Cévennes en plusieurs "caissons" caractéristiques d'une extension. Cette dernière a commencé au début de l'ère Secondaire (Trias) avec l'ouverture de l'océan Tethysien et s'est poursuivie à l'ère Tertiaire avec la formation du "bassin du Sud-Est" (actuelle vallée du Rhône). Contrairement à la faille de Villefort, celle des Cévennes est encore recouverte de sédiments du Secondaire. Les minéralisations contemporaines de l'extension du Trias et du Lias sont issues de fluides hydrothermaux minéralisés qui sont remontés en suivant les failles connectées à la faille des Cévennes et sont allés imprégner les sédiments sous la forme de filons ou d'amas stratiformes. La faille des Cévennes a été extrêmement propice aux minéralisations car on en retrouve sur toute sa longueur. Il s'agit essentiellement de gisements stratiformes qui se trouvent dans les sédiments du Trias et/ou du Lias au contact du socle, formant ainsi à l'affleurement une étroite bande presque continue orientée SO-NE qui est sans doute la zone la plus minéralisée de France!
C1- Les mines de Saint-Laurent-le-Minier (Les Malines)
Le célèbre district de St Laurent le Minier se trouve 10 km à l'ouest de Ganges. Il est situé au sud d’une faille majeure E-W (horst de St Bresson) et est constitué de plusieurs corps minéralisés situés à proximité de la discordance Trias/Cambrien. Le gisement des Malines, sur le versant nord du Pic d'Anjeau, est le plus connu mais il en existe d'autres à St Laurent: la Sanguinède au nord-est de Montdardier et les Cèdres au sud-est de Pommiers.
Aux Malines, trois stades minéralisateurs ont été identifiés en fonction de la morphologie des gisements et de la nature des encaissants:
1. Le premier stade est stratifié dans les dolomies cambriennes et donc d’âge Cambrien. Ces minéralisations anciennes ont pu servir de source pour les suivantes.
2. Puis se développent un stade de karstification de ces dolomies suivi d'un stade filonien. Dans les sédiments triasiques (grès), seul le stade filonien est visible. Les minéralisations associées aux karsts et filons seraient liasiques.
3. Enfin, les gisements lités "stratiformes" encaissés dans le calcaire Bathonien seraient eocènes
Ces données suggèrent l’existence de trois phases métallogéniques dont une serait liasique. Cette phase comprend un stade karstique, puis un stade fissural. Ce dernier est associé à un minerai rubané à dolomite, calcite, sphalérite, barytine et quartz qui constitue la masse principale du gisement. La barytine tardive serait rattachée à un événement spécifique du Jurassique Supérieur en lien avec une activité volcanique. Les parties supérieures des différents gisements de St Laurent sont très riches en minéraux d'altération du zinc (smithsonite et hémimorphite surnommés "calamine" par les mineurs) qui ont constitué la principale source de minerai au début de l'exploitation.
Ce gisement extrêmement important est connu et exploité depuis l'antiquité. Sa "redécouverte" à la fin du XIXème siècle a donné lieu à une anecdote célèbre: des pharmaciens de Ganges reprirent une galerie qu’un facteur avait creusée pendant la "ruée vers le zinc" puis abandonnée après plus de 25 mètres de creusement sans avoir trouvé de trace de minerai. Contre toute attente, leurs travaux sont rapidement arrivés 4 mètres plus loin dans un formidable amas évalué à plus de 200 000 tonnes de minerai! Malgré quelques courtes interruptions, ce gisement fut intensément exploité de 1885 à 1993, d'abord par la Société Minière des Malines (1885-1940) puis par la SMMP, filiale du groupe Metalleurop, qui en est le dernier concessionnaire. Au plus fort de son activité (1890-1912), cette mine employa près de 600 ouvriers, contre seulement 125 en 1970. Les travaux miniers réalisés en un siècle d'exploitation sont d'une ampleur considérable puisqu'ils totalisent environ 300 km de galeries réparties sur de nombreux niveaux superposés!! Ainsi, plus de 1.000.000 de tonnes de minerai ont été extraites de ce gisement ce qui fait de lui le plus important de France, devant celui de Largentière (700.000 tonnes extraites).
Aujourd'hui, le site a été réaménagé et les travaux souterrains ont été bouchés. Malgré cela, les eaux d'exhaure chargées de plomb et d'acide sulfurique qui sortent des anciennes galeries continuent de polluer les sols du village.
En minéralogie, ce gisement était très réputé pour la diversité des cristallisations de barytine qu'on y trouvait, pour ses beaux cristaux de sphalérite rouge, pour ses fameuses galènes réticulées et surtout pour sa bournonite (un sulfosel de plomb) dont certains cristaux étaient d'une taille (jusqu'à 10 cm!) et d'une qualité exceptionnelles !
C2- La mine de Durfort (la Grande Vernissière)
De tous les gisements cévenols, celui de la Grande Vernissière est sans doute l'un des plus connus. Ce gisement et celui de Lacoste se trouvent sur la colline qui domine la village de Durfort. Comme l'indique son nom (le "vernis" des potiers était fabriqué à partir de galène), ce gisement a été exploité pour le plomb dès le Moyen-Âge. Il s'agit d'un gîte stratiforme qui présente la particularité d'être très riche en fluorine, ce qui est exceptionnel dans cette partie des Cévennes. Les minéralisations sont constituées de fluorine violette, de galène et de sphalérite qui ont impregné les dolomies et calcaires sinémuriens. Lorsque la taille des fissures le permettait, de belles géodes tapissées de fluorine se sont formées. Mais ces dernières ont ensuite été remplies par de la calcite et/ou dolomite blanche que le minéralogiste doit aujourd'hui dissoudre à l'acide chlorhydrique pour revèler les cristallisations qu'elle recouvre. Les pièces de fluorine cubique violette (souvent clivée par l'action de l'acide) associée à des cristaux de galène cubiques, octaèdriques ou dodécaèdriques sont caractéristiques de Durfort.
Ce gisement a connu une première période d'exploitation artisanale entre 1737 et 1833 par les habitants du village. Voici la description qu'en fait Emilien Frossard en 1846: "Pour se rendre aux mines, on suit un ravin profond, où on ne tardera pas à reconnaître de beaux fragments de chaux carbonatée métastatique (nda: dolomite), de plomb et de zinc sulfurés. Les galeries sont pratiquées horizontalement dans le flanc d'une montagne boisée de chênes et de hêtres. Les mines de Durfort ne sont point l'objet de travaux bien réguliers, et les gens du pays ne les poursuivent guère que lorsqu'ils n'ont pas d'occupations plus urgentes. Alors l'essaim bourdonne autour de cette immense ruche, et l'on voit de nombreux ouvriers disparaître ou sortir sur les flancs de ce mont percé de mille trous. Ces filons ne sont point pour eux une mine de plomb, encore moins d'argent, mais une mine de vernis ou d'archifou (c'est ainsi qu'ils corrompent le nom d'Alquifoux). En effet, ce n'est guère que pour vitrifier la surface d'une poterie grossière fabriquée dans le pays que l'on exploite ce minerai. C'est au milieu de ces débris que le minéralogiste doit, le marteau à la main et le corps penché, faire ses recherches; elles ne seront point infructueuses. Outre les substances que nous avons déjà annoncées, il remarquera des roches couvertes de petits cristaux blonds et brillants de zinc carbonaté."
La première vraie concession sur ce site fut obtenue en 1839 par M. Augustin-Charles-Désiré de Cadolle pour l'exploitation du minerai de plomb qui était envoyé aux potiers d'Anduze. Il fut ensuite repris en 1880 pour l'extraction du minerai de zinc qui était auparavant délaissé par les mineurs. La Compagnie des Mines du Gard y fit construire une laverie de minerai et creuser plusieurs galeries qui recoupaient souvent les anciens travaux du 18ème siècle jusqu'à ce que l'exploitation s'arrête en 1914. La société de la "Vieille Montagne" s'y intéressa sporadiquement et sans grand succès dans les années 1950-1960, en complément des mines de la Croix de Pallières. Aujourd'hui, seuls les volumineux déblais sont encore accessibles (demander l'autorisation au propriétaire!) et peuvent fournir de jolies pièces au prix de gros efforts de terrassement!
Ce gisement se trouve à Laval-Pradel, 10 km au nord d'Alès et 5 km à l'est de la Grand-Combe. Il s'agit d'une ancienne concession métallifère qui a été recoupée par la grande mine de charbon à ciel ouvert du Mas-Dieu, surnommée "la découverte". Cette concession de minerai de fer ne semble guère avoir été exploitée jusqu'à ce que de nouvelles recherches pour le zinc soient effectuées en 1907. Les prospections ayant été prometteuses, c'est la société stéphanoise La Calamine qui sollicita le permis d'exploitation puis la concession en 1913. Mais les rendements s'avèrerent médiocres et l'exploitation fut interrompue en 1925. Dans les années 1950, le site fut entièrement détruit par l'extension de la mine de charbon, les veines de houille se prolongeant sous l'ancienne concession de zinc. Les horizons métallifères ont ainsi été mélangés aux stériles houillers et amassés dans de vastes haldes qui sont aujourd'hui végétalisées en prévision de la reconversion du site en base nautique!
L'état actuel du gisement complique beaucoup l'analyse de sa gîtologie mais l'étude des échantillons montre qu'il s'agissait d'un gîte stratiforme constitué de nombreux petits filons de quartz à sulfures (Pb, Zn, Cu, As) infiltrés dans des grès du Stéphanien/Trias. La particularité du site demeure sa grande richesse en minéraux secondaires issus de l'altération des sulfures que l'on retrouve dans les fissures du grès et les géodes des filons. Les prospections réalisées depuis la fermeture des mines de charbon en 1974 ont montré que la minéralogie de ce site est extrêmement riche: Anglesite, Ankerite, Aragonite, Arseniosiderite, Arsenopyrite, Aurichalcite, Azurite, Baryte, Bayldonite, Beudantite, Bindheimite, Bournonite, Brochantite, Calcite, Caledonite, Carminite, Cerusite, Chalcanthite, Chalcopyrite, Cuivre natif, Covellite, Cuprite, Cyanotrichite, Duftite, Dundasite, Erythrite, Fluorite, Galène, Goethite, Gypse, Hematite, Hydrozincite, Jarosite, Langite, Limonite, Linarite, Malachite, Marcassite, Mimetite, Pharmacosiderite, Philipsbornite, Posnjakite, Pyrite, Pyromorphite, Quartz, Rosasite, Sphalerite, Soufre, Tetraedrite, Wulfenite...
La plupart des échantillons sont très petits (1 cm maximum) mais font le bonheur des micro-monteurs car même les minéraux rares sont très bien cristallisés!
Comme dans la plupart des régions du Massif Central où il y a eu des intrusions granitiques hercyniennes, il est possible de rencontrer quelques occurences pegmatitiques dans les Cévennes. Les plus nombreuses se rencontrent autour de Vialas, Genolhac et St Jean du Gard où elles contiennent essentiellement de l'orthose, des micas (biotite et muscovite) et de la tourmaline noire (schorl). Un échantillon de Rubellite (tourmaline rose) aurait été trouvé au XIXème siècle dans les environs de St Martin de Corconac mais le lieu exact n'a jamais été localisé...
L'orpaillage:
L'or natif se trouve en compagnie d'autres minéraux dits "lourds" dans les placers de nombreux cours d'eau du massif cévenol. Il y prend l'aspect de paillettes ou de pépites de petite taille qui peuvent être récupérées après lavage du sable. La recherche de l'or alluvionnaire dans les Cévennes n'est pas nouvelle... De l'Antiquité jusqu'au Moyen-Âge, les cévenols ont tenté de récupérer des paillettes d'or en immergeant des peaux de moutons dans les ruisseaux! L'arrivée de techniques plus efficaces (batée, sluice...) au XVIIIème siècle a relancé cette activité qui s'est parfois avérée rentable pour quelques prospecteurs chanceux. Une tentative d'industrialisation fut même tentée en 1898 sur le Gardon à Sainte Anastasie mais elle fut rapidement arrêtée par le manque de rentabilité du placer. Aujourd'hui, même si quelques orpailleurs professionnels tentent encore de vivre de leur activité, l'orpaillage est surtout devenu une activité de loisirs qui peut être pratiquée par le plus grand nombre...